Compte rendu: Ma première Saintelyon

Hier je me lançais pour la première fois sur la mythique Saintélyon, cette course qui relie chaque année Saint-Etienne à Lyon sur un parcours tracé entre routes et chemins.

Dit comme ça, ça a l’air plutôt cool, une course de plus quoi.

Sauf que … Entre Saint-Etienne et Lyon, il y a 72 kilomètres. Et que la course est organisée tous les premiers dimanches de décembre. Et que le départ est donné non pas à 9 heures du mat’ mais à 23h30. Et qu’en général, début décembre et en pleine nuit, dans cette région les températures piquent un peu.

Bref, le tableau est dressé: la Saintélyon c’est un peu une course de Fada comme on dit chez moi, et c’est peut-être pour ça que j’ai eu envie de la faire …

Comme d’habitude, je vous embarque avec moi pour vous raconter cette épopée de 8h55 dont je me souviendrai pendant longtemps!

tenue Saintélyon

L’avant course

Normalement, avant une course, je me lève tôt, je grogne, j’avale mon petit déjeuner, je m’habille et en avant.

Avec un départ à 23h30, je pouvais gérer et copier/coller la partie grognage, mais plus compliqué pour le reste. C’est donc après une pseudo sieste d’une heure que mon amoureux me conduit à Saint-Etienne avec le Vito de son boulot emprunté pour l’occasion et transformé en lit de camp à l’arrière pour lui.

Ambiance romantique à la Pizzeria Cappriccio, entourée d’une cinquantaine d’autres coureurs venus déguster le menu special Sainté: un potage de légumes, une portion de pâtes Al Dente, et une part de tarte aux pommes. La bière de Monsieur me fait de l’oeil, mais je résiste vaillament (bon, ok, j’ai bu une gorgée. Ou peut-être quatre). 

Après une mini tentative de repos supplémentaire et une sortie test pipi pour voir ce que ça fait d’avoir les fesses à l’air quand il fait -2 degrés, je commence à m’équiper, l’heure de la sentence approche.

23h20, je suis sur la ligne de départ, prête à partir dans la première vague. C’est par où la sortie les gars? Ah non, c’est trop tard? Bon, ok…

23h30, le coup d’envoi est donné.

Km1 à 8: On est sur une grande route de bitume, les premiers kilomètres sont plutôt plats et ça part vite, très vite. Pour l’instant la route nous éclaire et la plupart des frontales sont encore éteintes, on se croirait plutôt sur un Marathon nocturne. J’essaie de réguler ma vitesse mais je me laisse emporter par le flot de coureurs et je suis à environ 12km/h jusqu’au km6 . Pas de panique, j’avais de toute façon prévu de démarrer assez vite sans non plus me cramer, pour éviter les bouchons en arrivant aux chemins plus étroits, et être tranquille sur la suite de la course. Seul problème: moi qui avais peur d’avoir froid, j’ai au contraire plutôt chaud et je transpire un peu, rien de pire pour ensuite finir congelée. Heureusement, mon tshirt finit par absorber l’humidité, et malgré le froid je n’aurais pas vraiment de soucis à ce niveau là sur le reste de la course.

Km9 à 16: Après une longue descente de bitume, on arrive enfin sur les petits chemins que j’attendais, et la neige est là tout autour. Les frontales s’allument, et ça commence à grimper. Le km10 est costaud avec 122m de D+, il faut marcher pour s’économiser, il reste encore… Oula, je ne préfère pas calculer combien de kilomètres. Je me retourne pour admirer le spectacle des petites lucioles qui s’égrènent à la queue-leu-leu derrière moi, j’aimerais bien faire une photo mais l’idée de sortir mon téléphone ne m’enchante pas. J’ai décidé de ne pas m’arrêter au premier ravitaillement, alors je profite d’une grande montée vers le km13 ou 14 pour manger une première compote, et j’essaie de bien boire tous les 2km environ.

Km17 à 28: Ca monte, ça descend, je trace quand je peux, je marche quand c’est nécessaire, mais pour l’instant tout se passe bien, et mon genou me gêne à peine. Certains chemins sont enneigés et c’est la première fois que je cours sur ce joli manteau blanc, mais même si ça ralentit un peu la progression je suis heureuse de vivre une « vraie » Saintélyon, quitte à se taper 72 bornes dans le froid autant faire ça bien! Ça se corse après le kilomètre 20, quand la neige est remplacée par endroits par du verglas, beaucoup moins drôle. Au kilomètre 24, pile après m’être dit que le tiers du parcours était fait, BIM, première chute, en avant. Je me rattrape sur les mains et je ne me fais pas mal, à peine le temps de dire aux coureurs autour que tout est OK et ça repart. Plus que quelques kilomètres avant le ravitaillement de Sainte-Catherine, je mange une barre chocolatée Trek qui a eu le temps de congeler un peu, car au ravitaillement je compte juste remplir mes flasques et repartir, j’ai trop peur de me refroidir en restant la plusieurs minutes.

Km28 à 34: Après Sainte Catherine ça grimpe pas mal, et il fait bien froid mais mon coupe vent et le combo gants/bonnet/buff polaire me protègent bien, même si je suis obligée de taper mes mains l’une contre l’autre et bien les remuer par moments pour ne pas que le froid les engourdisse totalement. A partir du kilomètre 30 je commence à avoir mal à la hanche droite, mais je tente de l’ignorer, « je vais bien tout va bien ». J’arrive à la descente du grand Mont, une nouveauté 2017 qui remplace apparemment le bois d’Arfeuille (je fais bien la meuf qui s’y connaît non? Bon, ok, j’ai juste lu le briefing de la course…). Moi qui pensait pouvoir accélérer dans les descentes, c’est tout l’inverse, ça glisse et je préfère être prudente et y aller doucement pour éviter la chute. Je vois de nombreux coureurs tomber, et d’autres glisser juste derrière moi, pas rassurant. En plein milieu de la descente une coureuse est étalée de tout son long sur le chemin, la tête à frappé, sa poche à eau s’est percée dans la chute et elle est un peu secouée mais elle ne veut pas qu’on appelle les secours. Un peu plus loin, presque à la fin de la descente c’est mon tour, chute sur les fesses et c’est le bras droit qui prend.

Km35 à 40: On repasse sur le bitume quelques instants et des spectateurs sont là pour encourager. D’un coup j’entend une voix me dire « Allez ma Lisa c’est bien, continues, jusque là tu assures! » . Je mets quelques instants à réaliser que c’est mon copain, qui voulait absolument me retrouver quelque part sur la course pour m’apporter des vêtements et chaussures de rechange en cas de besoin. Déconcertée je ralentis mais ne m’arrête pas de courir, et il est obligé de me poursuivre sac à la main pour me demander si j’ai besoin de quelque chose. Je finis par réaliser que je dois peut-être m’arrêter (copine ingrate),  une pompote de récupérée, un bisou magique et ça repart. Je l’attendais beaucoup plus loin et l’avoir vu me redonne de l’énergie après la difficile descente, mais je réalise aussi en le quittant qu’il me reste donc encore plus de kilomètres de solitude avant l’arrivée. Je commence à ne plus pouvoir ignorer la douleur dans ma jambe droite, mais le ravito de Saint-Genou (il a bien trouvé son nom celui là) approche. Enfin c’est plutôt moi qui en approche.

Ravito de Saint-Genou: J’essaie de remplir une de mes flasques mais impossible de la revisser correctement, son contenu s’étale sur moi quand je la remet dans mon sac, heureusement ma veste est totalement imperméable et tout deperle. Je m’énerve sur le bouchon, je n’y arrive pas, tant pis, à partir de là je ne boirais qu’aux ravitaillements. Je mange quelques tucs, un bout de fromage, et c’est reparti. Un peu plus loin, pause technique pour faire pipi, le seul de la course. Evidemment, un coureur qui ne m’a pas vue dans la pénombre choisit le même spot que moi. « c’est déjà pris » « oups ».

Km41 à 52: La douleur dans ma jambe droite que j’ignorai jusque là commence à devenir vraiment très présente, et l’avancée beaucoup plus compliquée que prévu. Je décide de continuer comme je peux, je ne suis pas venue pour abandonner, sauf si je me blesse, et je ne suis pas blessée, j’ai juste mal. Je passe le km42, une barre symbolique pour moi puisque je n’ai jamais couru plus loin qu’un Marathon, et à partir de là je m’accrocherai beaucoup aux chiffres pour m’aider à tenir, en visualisant la fin de la course petite étape par petite étape. Pour être honnête, je ne me rappelle plus bien de tous les détails du parcours, mais je peste contre moi même car le terrain devient moins verglacé et plus roulant, c’est là que je devrais pouvoir accélérer, et je vais tout doucement. On s’accroche, km48 les 2 tiers de la course sont faits, plus que 4km avant Soucieu-en-Jarrest.

Ravito de Soucieu: Je m’arrête quelques minutes au ravitaillement, et pendant que je mange machinalement des tucs, du fromage et une pâte de fruits mon esprit s’évade… il fait chaud dans cette pièce, on aurait envie d’y rester. Je vois plein de coureurs en relais emmitouflés, d’autres coureurs solo qui ont abandonné, qu’est-ce qui m’empêche de m’arrêter là? J’ai déjà couru 53km, c’est beau, 53km. Je peux rester là au chaud, et oublier tout ça. Oui mais non. Allô, ici ton cerveau, on serre les dents et on repart!

Km53 à 62: En repartant du ravitaillement Christelle qui court le relais à 3 et vient de débuter sa partie me double et m’encourage, elle est à fond, moi je lui dit que j’ai mal mais que ça va aller. Allez, une petite étape de 10km jusqu’au ravito suivant, et ce sera déjà presque fini. Dans une descente j’entends une voix familière, c’est Ayoub, un copain marseillais. Il est parti de la 3eme vague et a eu des difficultés à avancer dans la première partie, mais il semble en pleine forme alors je l’encourage à me laisser et partir devant, car le connaissant il serait capable de rester avec moi pour m’aider à terminer, mais je sais qu’il est là pour prendre sa revanche sur le chrono de 2016 et je ne veux pas être un boulet. Avant de me laisser il me tend un sachet d’aspirine en poudre et me dit de la prendre sans eau, que ça aide à soulager les douleurs. Je prends le sachet mais je le range dans mon sac. Je continue de courir, par moments je marche alors qu’il n’y a aucune difficulté, tant pis, le chrono est accessoire, ce que je veux c’est terminer.

Dernier Ravito: j’avais décidé de ne pas m’arrêter, mais je me souviens qu’il faut boire, et une fois que j’y suis, je décide de manger encore pour prendre des forces, même si je n’ai pas faim. Allez, plus que 10km, même pas la distance d’une de mes sorties habituelles à Marseille, je peux le faire. Avant de repartir je me souviens de l’aspirine, je la prend finalement, on verra bien.

Km63 à 71: Deux kilomètres après avoir quitté le ravitaillement la douleur commence à s’estomper. Je ne sais pas si c’est l’aspirine, un effet placebo, ou l’approche de l’arrivée qui me rebooste, sûrement un mélange des trois en fait. Je retrouve un rythme correct, et je m’attends à une fin de course facile, sauf qu’en fait, c’est plein de relances et de petites côtes partout (les b*tards). Peu importe, j’avance, j’ai retrouvé la forme et le plaisir de courir, le jour se lève doucement sur la région lyonnaise et je le sais, je serais finisher, alors je souris comme une imbécile. Je me mets même à doubler quelques coureurs, y compris dans les montées où tout le monde marche, mon point faible habituellement. « On est quand même une belle bande d’abrutis »: voilà ma réflexion à haute voix à la vue d’une énième côte et des coureurs agonisants qui la grimpent comme ils peuvent. On aurait pu être au chaud sous la couette mais non, on est là, et je ne regrette pas une seule seconde de faire partie de cette belle bande d’imbéciles heureux, en fait.

Km71 à 73: La fin est interminable, moi qui m’attendait à un 72km tout pile, la course fait en réalité plus de 73km, et on nous rajoute de sadiques escaliers au milieu du b*rdel. Mais ça y’est, je finis par voir la Halle Tony Garnier, et je sprinte sur le dernier kilomètre … enfin j’ai l’impression, je suis en fait à 10km/h. J’entre dans la Halle, accélération de folie à 11km/h (hum..) sur les 200 derniers mètres. Je passe l’arche, je l’ai fait!

Je suis FINISHER de la Saintélyon 2017, en 8 heures 55 minutes et 36 secondes.

Bref, j’ai couru ma première Saintélyon.

Cette nuit là, j’ai découvert pour la première fois les joies de courir une course longue distance, qui me faisait rêver depuis un moment. J’ai aussi découvert le sens de l’expression « courir au mental », en m’accrochant jusqu’au bout et en refusant la facilité de l’abandon (même si dans le fond, devoir abandonner aurait été encore plus difficile, je crois).

Malgré les difficultés rencontrées, j’ai adoré, je ne regrette rien, et le chrono reste anecdotique, je ne sais pas vraiment s’il est bon ou mauvais mais je suis tout simplement fière d’être Finisher 🙂 .

Quelques heures après l’arrivée je me disais « c’est bien, je l’ai fait une fois, je ne recommencerai pas de si tôt ». 24 heures plus tard, je commence pourtant déjà à songer à l’édition 2018 … ;).

Ps: c’est totalement Hors Sujet mais il y a un concours pour gagner un dossard pour le Marathon de Paris sur mon compte Instagram @lily.running, par là
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18 réflexions sur “Compte rendu: Ma première Saintelyon

  1. Olivier dit :

    Super description ! Je retrouve bien ce que j’ai vécu également ce week-end. J’ai fini la SaintéLyon quasi dans le même temps à quelques minutes près. Par contre je suis parti dans le seconde vague. Tu t’es mise sur le départ à quelle heure pour réussir à partir avec la première vague ?

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