Compte rendu : la CCC 2021

Un peu plus de deux ans après mon premier 100 kilomètres sur l’UTPMA et suite à une longue traversée du désert côté dossards, il y a quelques jours je passais de nouveau une arche de départ, et pas nimporte laquelle : celle de la CCC.

Le programme : 100 kilomètres, 6000 mètres de dénivelé positif et presque autant de dénivelé négatif pour relier Courmayeur en Italie à Chamonix en France, après un petit détour par la Suisse. Une jolie promenade autour du Mont Blanc, en attendant d’en faire un jour le tour complet… avec ou sans dossard, on verra bien, mais ça c’est une autre histoire !

Bref, sans transition ni détails sur l’avant course, je vous emmène avec moi sur la ligne de départ, dans le premier sas.

Vendredi 27 août, 9h pile, le départ est lancé.

Ça part fort pour traverser Courmayeur, mais rapidement on entame une longue montée de bitume et chacun se cale à son rythme. J’essaie de calmer le jeu et d’y aller tranquillement, mais c’est certainement trop rapide pour une distance comme celle là. Au bout de quelques kilomètres la route devient chemin, puis le chemin devient sentier en single : à la queue leu leu, c’est parti pour enquiller 1000D+ en l’espace de quelques kilomètres. Calée entre deux coureurs, je suis le mouvement, sans bâtons pour le moment. Pas besoin de réfléchir il suffit de tenir le rythme, et celui-ci me semble raisonnable … Avec le recul il ne l’était peut-être pas pour moi, pas avec une telle distance à parcourir.

Km10 : Tête de la Tronche, premier sommet et déjà presque 1/4 du dénivelé de la course avalé, jusqu’au grand col Ferret c’est censé dérouler tout seul. La descente est belle, pas technique, ça avance assez vite et c’est un bonheur de laisser les jambes faire.

Km15 : Refuge Bertone, premier ravito, on enfile le masque pour l’enlever directement après. Pas grand chose d’intéressant à manger (pour une végétalienne en tout cas), je recharge l’eau et grignote deux morceaux de banane en espérant qu’il y aura mieux plus loin. La suite est jolie et roulante, en faux plat tantôt montant tantôt descendant mais ça se court plutôt bien. Le refuge Bonatti arrive, je subis un peu la courte section de 5km jusqu’à Arnouvaz, j’ai hâte de charger un peu les batteries.

Km27 : Nouveau ravito, cette fois je prends un peu plus le temps, du pain, de la pastèque, de la banane, une barre Vegan, un sourire aux bénévoles et c’est reparti.

Le Grand Col Ferret, le fameux. WOW, je ramasse sévère. Genre, vraiment. Je ne sais pas si c’est parce qu’il est 13h et que mon corps réclame une sieste de digestion plutôt qu’une telle ascension mais je suis scotchée sur place et je me fais doubler par paquets de 10. Bon, on se ressaisit, je sors les bâtons que j’espérais garder rangés jusqu’à Champex, changement de stratégie express : je vais grimper tour là haut, et puis si dans la redescente c’est toujours autant la cata, s’il le faut je mettrais le cligno à La Fouly… Oui oui vous avez bien lu, à ce moment là l’abandon semble être une option ! Quelques kilomètres de grimpette en mode déambulateur plus tard et facile 80 places de perdues le sommet est là, je profite parce que quand même c’est beau bordel, et puis hop on bascule, bienvenue en Suisse.

Je fonce vers le morceau de chocolat qui m’attend à La Fouly, et dans cette très longue descente l’énergie revient comme si elle n’était jamais partie. Je discute avec un coureur très sympa qui envisage la course en 18h, et je réalise que je suis partie bien trop vite par rapport à mes ambitions mais on est là alors on continue.

Km41 : déjà presque un marathon, seulement un marathon, bref il reste 60 bornes à faire. Je mange, je souris aux bénévoles, oui merci tout va bien mais je repars quand même vite pour éviter la tentation de m’étaler sur un banc. On continue de descendre au fin fond de la vallée, le rythme est correct, j’oublie la ligne d’arrivée et j’ai en tête seulement Champex, étape par étape et on verra.

Km50 : la remontée vers le lac et sa fameuse base de vie est théoriquement roulante, mais dans la vraie vie et après 50km elle fait mal, ça n’en finit pas. Peu importe, je sais que la haut le graal m’attend : un bouillon, des pâtes, une vraie pause goûter un peu tardive avant d’attaquer la section qui me mènera vers la tombée du jour.

Km55 : Champex Lac. 15 minutes pour manger chaud, écrire un message à Fanny, regarder autour de moi, me dire que je vais repartir et quoi qu’il arrive finir. En sortant du ravito j’ai très mal à la plante des pieds, le bitume ne fait pas de bien, mais dès qu’on repasse sur le chemin en faux plat tout va mieux, et je trottine doucement vers la première des trois bosses qui mènent à l’arrivée. La montée vers la Giète est lente mais assez régulière, il commence à faire frais mais ce n’est pas désagréable, et après avoir passé cet improbable checkpoint et traversé une bergerie et ses bénévoles enflammés, il est temps d’allumer la frontale dans la descente vers Trient. Fanny m’appelle, elle est inquiète : le suivi live bloque depuis Champex, mais je la rassure, un pied devant l’autre je suis en route. Je lui dis que d’ici à Vallorcine je risque d’être mal en point, que son rôle va être de m’obliger à repartir quoi qu’il en coûte.

Km72 : Trient, nouveau ravito, même manège, enfin cette fois le riz remplace les pâtes et j’ajoute une couche de vêtements avant de reprendre la route. La nuit va être longue et je ne déshabille pas au premier rdv avec le Mont Blanc, quand même. Cette nouvelle montée passe bien, je m’arrête plusieurs fois quelques secondes pour proposer de l’aide à des coureurs mal en point sur le bord du chemin, mais ils semblent juste serrer les dents et espérer repartir quelques minutes plus tard. La descente est plus dure que la montée moralement, car même si le sentier est peu technique j’ai du mal à courir, c’est franchement frustrant.

Km80 : Ça y est, je vois les lumières de Vallorcine, et je sais qu’elle est là, à s’inquiéter et m’attendre. Elle qui serait plutôt du genre à me cajoler tient son rôle à merveille et m’encourage pour que je reparte, tout en me proposant 2000 trucs sortis de son sac de Mary Poppins. Au final j’opte pour du riz nature et du coca que normalement je déteste, un repas digne d’une gastro intergalactique qu’heureusement je n’ai pas. « Allez petit chat, rdv au col des Montets avant l’ascension finale ». Quelques kilomètres ultra roulants jusqu’à ce col routier, et un improbable van transformé en boîte de nuit pour l’occasion avant de s’enfoncer dans la montagne pour l’ultime ascension. C’est compliqué mais je sais désormais que je vais terminer, tant pis si le chrono ne me plaît pas, tant pis pour l’égo, tant pis si je suis en train de me dire que cette distance et ces dossards ne sont peut-être pas pour moi.

Bref, c’est parti pour l’ascension, la dernière. Tête aux Vents, LA section technique de la course, et bien sûr il fallait finir par ça. C’est interminable, je serre les dents, parle en français à des coureurs étrangers. La traversée du plateau en haut est tout simplement PIRE, je vois les autres me doubler tranquillement alors que de mon côté le cerveau a calé en première, je ne sais faire rien d’autre que marcher.

Km90 : je finis par apercevoir la Flégère. Il est bientôt 4h du mat’, l’heure à laquelle j’espérais passer l’arche. C’est grillé mais tant pis, l’essentiel désormais c’est de finir, et je m’accroche au « sub 20h » même s’il ne veut rien dire, il est temps d’en finir avec tout ça. Petite soupe au dernier ravito, énième pipi en bord de sentier (oui, je ne vous les ai pas racontés mais c’est déjà le 6eme), et je décide de ne pas me laisser faire par la descente de La Flégère, que je connais déjà. Racines ou pas, fatigue ou pas, je trottine, de plus en plus vite, je double quelques coureurs, et rapidement les rues de Chamonix sont là. L’émotion débarque, moi qui voulait en finir je suis presque déçue que ces derniers kilomètres défilent comme ça, et il est déjà temps d’attaquer les mythiques rues qui me mèneront à l’arche qu’on ne présente plus.

Il est bientôt 5 heures du matin et pourtant du monde est là, les applaudissements raisonnent, je profite de ces instants, je m’autorise à être fière, je l’ai fait b*rdel !

Une dernière accélération et je passe l’arche après 19h52 de course avec et contre moi même.

Je ne pleure pas, les larmes sont bloquées et je ne sais pas ce que je suis censée ressentir : ce sera peut-être le récit d’une autre fois. Peut-être pas.

J’en profite tout de même pour remercier les équipes de Garmin qui m’ont accompagnée dans la préparation de cette course et offert un superbe accueil sur place. Ma Fenix aura parfaitement tenu les presque 20 heures de course et le kilomètrage indiqué à l’arrivée est étonnamment précis. Merci Adrien pour la prépa !

5 réflexions sur “Compte rendu : la CCC 2021

  1. Marie dit :

    Wouah merci pour ce compte rendu, merci de faire vivre cette aventure, ces joies, ces galères. Et bravo pour le dépassement de soi, les doutes partagés. Si cela relève d’un défi envers ou avec soi même cela force l’admiration parce qu’il faut de la ténacité, une bonne connaissance de soi, un mental en Téflon et vraisemblablement un peu d’entraînement 😉
    Encore merci c’était un plaisir à lire, je vais de suite lire les autres compte rendus !
    Marie

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  2. Vasquez dit :

    D’abord un grand bravo à toi Lisa , pour cette course mythique, magnifique, t’on récit et époustouflant, et bien détaillé. À te lire ont était comme toi dans la course, mais sans courir !! Enfin il y a eut des bons moments et d’autres avec des doutes des douleurs et même un abandon dans l’esprit !! Non non je me disais en te lisant il ne faut pas arrêter 🤔 mais trop facile de dire ça assis dans un canapé, des coups de pompe des coups de blues , des incertitudes , mais kms après kms l’Arche. Et arrivé !! Bien sur t’on temps était peut-être pas celui tu t’étais fixé, mais tu la fais la CCC encore bravo et bon repos bien mérité 👋👋 à bientôt des te retrouver sûr strava 👍👍

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  3. Claudus dit :

    Avant tout Un grand bravo, magnifique course !! Avec un suivi de course digne d’un grand reportage, ont était dans la course avec toi 👍 mais dans mon canapé !! Des coups de fatigue, des galères, et même un doute 🤨 abandonner ! Un caractère d’acier, tu nous as fait vivre un moment d’une intense joie. Caractère bien trempé, tu la fais Lisa soit en fière et maintenant un repos bien mérité 👋👋 et au plaisir de te retrouver sur Strava pour de nouvelles aventures !! Encore bravo 👍👍

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  4. Thierry dit :

    Bravo, bel exploit et beau récit, moi j’ai jetté l’éponge au 40 iem km. La frustration était à son paroxysme mais je dois bien reconnaître que je n’étais pas prêt pour cette épreuve, les confinements auront eu raison de mes entraînements, j’essaye du moins de me convaincre que c en est la raison. Je vais tenter de me refaire sur la swisspeak l année prochaine, on y croit…et bravo encore

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