Compte rendu : La SaintéLyon 2019

Dimanche matin, 8h39, j’entre dans la Halle Tony Garnier à Lyon, trempée et pleine de boue après une nuit blanche infernale, et pourtant, à cet instant là j’ai le sourire aux lèvres et plus rien ne peut m’arrêter. Comment est-ce que je suis arrivée là ? Récit de ma deuxième SaintéLyon, la course qu’on adore détester. 

Avant Course

Samedi, 9h30, le coup d’envoi est donné dans la halle Tony Garnier, mais pas celui de ma course : on est venus avec les copains marseillais encourager notre pote Ayoub, qui s’élance avec environ 300 fadas sur la LyonSaintéLyon (alias la 180 pour les intimes). Pas de navette pour eux, ils partent en courant jusqu’à Saint-Etienne … avant de reprendre le départ de la Saintélyon ce soir. Une belle balade de 152 bornes ! Les voir partir me donne des frissons, et je suis presque jalouse, mais en fait… ouais non, la navette c’est bien aussi.

Le reste de la journée file à toute vitesse, entre tour du salon, tentatives échouées de sieste, pronostics hasardeux sur la météo et choix définitif de la tenue; et à 18h on se dirige vers les navettes avec Jerôme, Jeff, Xavier (les copains marseillais) & Olivier, l’organisateur du Trail de Serre Chevalier rencontré la semaine précédente sur le Trail Meltonic. Les gens nous regardent un peu bizarrement parce qu’on est en short, mais je suis convaincue d’avoir fait le bon choix: il ne fait pas si froid que ça, en revanche aucun doute il va pleuvoir, et rien de pire qu’un legging imbibé d’eau qui ne sèche pas.

Arrivés sur Saint-Etienne on file à la pizzeria Capriccio pour une pasta party de luxe qui permet de manger au chaud et de combler l’attente avant le départ. On rejoint ensuite le grand gymnase pour s’imprégner de l’ambiance assez particulière et propre à la Saintélyon, avec plusieurs milliers de coureurs réunis dans cette pièce géante, certains qui dorment dans un sac de couchage ou à même le sol, d’autres qui mangent, s’équipent, ou tout simplement patientent avant le grand départ…

Saintélyon 2019, c’est parti !

23h29, un dernier encouragement collectif avec les copains, avant d’entamer le grand décompte et de s’élancer pour une folle nuit blanche; 5, 4, 3, 2, 1… GO !

Km1 à 17 On a beau être partis dans la première vague de coureurs, ça bouchonne quand même un peu sur les 500 premiers mètres mais on arrive à se faufiler et je me retrouve rapidement aux côtés de Jerôme et Xavier. Dès le second kilomètre ça va vite, un peu trop vite même, et quand ma montre sonne le km2 en 4’27 », je me dis qu’il va vite falloir se calmer. J’essaie de me caler sur un rythme plus raisonnable et Jerôme reste à mon niveau, tandis que Xavier prend un peu d’avance. Soudain le parcours bifurque vers un chemin qui grimpe bien. Xavier trace et on ne le reverra plus, tandis qu’avec Jerôme on modère notre effort dans la montée, la route est encore trèèèès longue et il vaut mieux en garder sous le pied. Pour l’instant tout se passe bien, il ne pleut pas encore et les chemins sont boueux mais largement praticables, les sensations sont bonnes et je n’ai beau avoir mis que deux couches de vêtement en haut, j’ai un peu chaud. On alterne montées et descentes, et au bout d’une douzaine de kilomètres je me rends compte que Jerôme n’est plus juste derrière mois mais je ne m’inquiète pas, on n’avait pas prévu de faire la course ensemble, et je me dis qu’il me rattrapera rapidement sur un ravito.

km17 à 32 Je ne me souviens plus à quel moment la pluie à commencé, mais ça tombe déjà bien quand j’arrive à Saint-Christo après 1h37 de course. J’ai encore de l’eau et pas envie de m’arrêter, alors j’attrape un petit bout de pain d’épice et je trace directement vers la sortie, en me promettant de faire une vraie pause à Sainte-Catherine. Les chemins sont boueux mais mes chaussures accrochent bien et pour l’instant ça ne pose pas de trop gros problème, même si je sens que la pluie va vite devenir gênante car malgré ma veste imperméable je commence à être trempée et c’est tout sauf agréable. On alterne grands chemins et singles, et le parcours est plutôt sympa même si plus on avance, plus la gadoue est présente. Soudain, ma lampe frontale clignote et passe en mode éclairage faible. Je tente de remettre un éclairage plus puissant mais rien à faire, on dirait que la batterie fait la tête… Qui c’est la petite maline qui ralait face au règlement qui demandait deux frontales ? Heureusement je me suis bien pliée à la règle en emportant ma Petzl Reactik + au fond du sac, mais je me vois mal m’arrêter au milieu du chemin pour enlever mon sac et farfouiller, alors je décide de tenir comme ça jusqu’au prochain ravito. Un coureur me rattrape, on discute un peu et il est très sympa, il me dit qu’il faut profiter pour bien avancer maintenant avant que le terrain ne devienne trop galère, j’acquiesce et je n’ose pas lui expliquer mon soucis de frontale, dommage car rapidement il prend les devants et je n’arrive pas à le suivre, tant pis pour moi. Un peu plus loin un autre coureur arrive à mon niveau, mais pas de chance il est sur un format en relais et il file à toute vitesse. Je finis par m’accrocher à un petit groupe de coureurs, et il est 02h44 du matin quand j’atteins Sainte-Catherine.

km31 à 40 Au ravitaillement, je commence par me réchauffer et m’hydrater avec deux bons gobelets de soupe chaude, et je mange quelques tucs, des fruits secs et du chocolat. Je n’ai qu’une seule flasque à faire remplir d’eau, je bois vraiment trop peu depuis le départ et j’en suis consciente. Je demande ensuite à deux bénévoles qui ne sont pas occupées de m’aider en attrapant ma seconde frontale dans le sac, je vais enfin pouvoir voir ce qu’il se passe à plus d’un mètre de mes pieds; et je repars bien motivée. Je commence à découper la course en sections dans ma tête pour que tout passe plus vite, et le prochain objectif à atteindre est le ravito liquide de Saint-Genou, dans moins de 10 kilomètres. Pour l’instant j’avance assez bien mais je suis maintenant complètement trempée, et je regrette amèrement d’avoir fait l’impasse sur des gants de rechange, car les miens sont imbibés d’eau mais je n’ai pas non plus envie de les retirer. En chemin un coureur me demande si je suis sur le format 76km puis commence à discuter avec moi, et me propose de courir ensemble un moment, mais je le perds au niveau du ravitaillement où je ne traîne pas longtemps car on est en extérieur et qu’il y a seulement à boire.

km41 à 53 Prochain objectif: rallier Soucieu-en-Jarrest, 12 kilomètres plus loin. La pluie ne cesse pas un seul instant de tomber et j’ai l’impression qu’elle est de plus en plus forte, tandis que le terrain est de plus en plus trempé et boueux, et à plusieurs reprises mes pieds s’enfoncent intégralement dans l’eau. Soudain vers le kilomètres 45 je chute en avant sans trop comprendre ce qui m’arrive. J’envoie les mains pour amortir le choc, mais ma hanche droite frappe bien le sol et sur le coup ça fait très mal. Je me relève rapidement et je repars sans attendre, un coureur qui a vu la scène s’inquiète de mon état, mais je lui dit que tout va bien. En réalité tout ne va pas bien du tout, et à ce moment là les choses commencent à vriller dans ma tête: j’ai la jambe le short et la veste couverts de boue, j’ai un peu mal, et je ne prends pas franchement de plaisir sous cette pluie battante. Et si j’arrêtais au prochain ravitaillement ? Si je restais au chaud dans le gymnase avant de me faire rapatrier vers Lyon ? Il reste plus de 30 kilomètres à parcourir, ça me semble énorme, je ne vois pas comment je vais tenir dans ces conditions. OULA STOP ON REMBOBINE. Je réalise que je suis en train de me chercher des excuses. Est-ce que j’ai vraiment mal? Non, je suis pleine de boue mais finalement la chute n’a pas vraiment eu de conséquences. Est-ce que 30 kilomètres c’est quelque chose hors de ma portée ? Non, j’ai parcouru plus de 100 kilomètres un peu plus tôt dans l’année. Est-ce que j’ai envie de faire tout ce que je peux pour franchir la ligne d’arrivée ? OUI. Alors on change de stratégie, j’essaie d’oublier la distance globale restante, et je découpe la course en distances intermédiaires entre les ravitaillements. Encore 9 kilomètres jusqu’à Soucieu, et ensuite il n’y aura plus que 12 kilomètres pour rejoindre Chaponost, et 11 kilomètres pour atteindre l’arrivée. 9-12-11. 9-12-11. Un pied devant l’autre, je me répète ces petites distances qui semblent tout de suite largement plus atteignables; et les kilomètres défilent. Doucement, certes, mais ils défilent, et je finis par apercevoir les lumières de Soucieu au loin, elles s’approchent de plus en plus.

Km53 à 65 J’entre au chaud dans le gymnase du ravito, et je prends le temps de me requinquer avec encore plusieurs gobelets de soupe chaude, des tucs, du chocolat. Je prends même du fromage alors que j’ai théoriquement arrêté d’en manger, mais sur le moment c’est ce qui me fait envie alors j’écoute ce que mon corps me demande. Dans mon sac j’ai un haut de rechange, mais je ne prends pas le temps de me changer, convaincue que ça ne changera rien à ma situation, ou tout du moins pas pour longtemps. Je préfère repartir du ravitaillement pour ne pas tomber dans le piège de cette pièce surchauffée, et dès la sortie je me retrouve frigorifiée. Je claque des dents pendant plusieurs kilomètres, mais je reste déterminée: 12 kilomètres puis 11 kilomètres, voilà ce qui me sépare de l’arrivée. 12 et 11. Deux footings tranquilles. Je peux le faire. Les kilomètres passent doucement mais sûrement, j’ai toujours très froid mais j’échange régulièrement quelques mots avec d’autres coureurs et ça me booste un peu. Peu avant le dernier ravito, j’ai droit à un épisode surréaliste avec une section de chemin entièrement innondée par la pluie, et pas d’autre solution que de foncer dans cette flaque d’eau géante avec l’eau qui m’arrive jusqu’au dessus du genou. Trempée pour trempée de toute façon …

Km65 à 76 J’atteins enfin le dernier ravito et je me mets presque à pleurer de nerfs car j’appréhende ce moment autant que je l’attends: je vais pouvoir avoir chaud quelques instants, me ravitailler et reprendre des forces, mais ça va être très difficile de repartir et je vais avoir encore plus froid en ressortant. Je sais aussi que si je repars, avec seulement 11 kilomètres qui me séparent de l’arrivée, je serais finisher. J’essaie de ne pas rester trop longtemps, et sans surprise je claque de nouveau des dents pendant 2 kilomètres à la sortie du ravitaillement, mais je suis déterminée comme jamais à aller au bout. Au bout de 68,8 kilomètres ma montre finit par me lâcher, je n’ai donc plus aucun repère de kilomètrage ou d’allure, mais je me dis que ce n’est peut-être pas plus mal; et soudain j’ai moins froid, peut-être qu’avec le lever du jour les températures se sont radoucies. Je commence à reconnaître la fin de parcours, et surtout cette montée de bitume dont je ne connais pas le nom mais où je m’étais exprimée à haute voix sur le fait qu’on était une sacré bande d’abrutis deux ans auparavant. Mon avis n’a pas changé, mais comme il y a deux ans le moral est désormais très bon, je sais que je vais être finisher, je n’ai plus qu’à mettre un pied devant l’autre – si possible sans trop traîner -. Je cours, doucement mais je cours, et à chaque fois que je rattrape ou me fait rattraper par un coureur j’ai envie de lui demander le kilométrage exact mais je me retiens, et je guette les panneaux qui indiquent la distance jusqu’à l’arrivée. Je les attend tellement que j’ai des petites hallucinations visuelles, et j’imagine les voir alors qu’il ne s’agit que d’un tableau électrique, d’une affiche, etc.; mais j’en rigole, je sais que l’arrivée m’attend et je suis reboostée. À un kilomètre de la fin j’accélère vraiment, portée par l’euphorie d’arriver, et j’entre dans la Halle Tony Garnier sale et trempée mais avec un grand sourire.

Je passe l’arche à 8h40, après 9 heures, 9 minutes et 51 secondes .

Je suis frigorifiée mais tellement heureuse d’avoir été au bout ! On ne peut pas dire que cette Saintélyon aura été une partie de plaisir, j’ai clairement subi la course comme une majorité des concurrents, mais deux jours après je retiens uniquement la fierté de ne pas avoir lâché, et la détermination qui m’a portée jusqu’au bout et me servira certainement lors de futures courses, car clairement, ce genre de situation arrivera de nouveau… Oui, j’ai bel et bien choisi un sport de masochiste.

Côté chrono, je visais le sub9h et j’espérais même secrètement approcher les 8h30; j’étais d’ailleurs pile sur cette base là au passage de Sainte-Catherine. Mais au vu des conditions météo et de mon classement général (367e / 4 461), je relativise énormément. Et puis … ça me fait une excuse pour venir prendre ma revanche, comme on dit jamais deux sans trois ! 😉

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5 réflexions sur “Compte rendu : La SaintéLyon 2019

  1. Xav PRL dit :

    Au final, une édition dantesque qui aura tenu toutes ses promesses !
    En partant de Saint Etienne, on aurait pu envisager une Sainté un peu trop facile et donc sans saveur… Mais (presque heureusement) on aura été servi avec une météo capricieuse qui aura réussi à donner une toute autre physionomie à cette traversée nocturne !
    Encore bravo à toi Binôme pour ne rien avoir lâché : tu peux être fière de ta course et de ton résultat !

    Aimé par 1 personne

    • lilyrunning dit :

      « Trop facile et sans saveur ». On parle quand même de 78 bornes bordel 😂. Mais bon c’est sûr que le charme de la Sainté réside un peu dans ses conditions météo qui ne pardonnent pas… en attendant pour la prochaine fois je commande de la neige !

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  2. Mathilde dit :

    Impressionnant ton compte-rendu ! Je n’ai fait que la petite partie entre Saint Christo et Sainte Catherine et ce fut déjà très laborieux (notamment à cause de la pluie et de la gadoue – j’ai meme failli perdre une de mes chaussures !). Je trouvais cela vraiment difficile d’avancer, entre le terrain et le monde, du coup j’ai marché plus que j’aurais voulu parfois. Je suis impressionnée par ton temps ! Grand bravo !! J’aimerais bien faire plus long la prochaine fois mais c’était mon premier trail en compétition ! en tout cas ca m’a donner envie de participer à d’autres épreuves (faire du trail de jour par un beau temps ça doit pas être mal non plus lol !)
    Par contre attention dans ton paragraphe km17 à 32 tu as écris Soucieu au lieu de St Chirto 🙂

    Aimé par 1 personne

    • lilyrunning dit :

      Il y a un début à tout 😉 . La Saintélyon c’est quand même particulier, rien à voir avec du Trail de montagne, mais les difficultés sont ailleurs. Alors bravo pour cette première !
      Et merci pour la coquille je vais rectifier 🙂 .

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