Compte rendu : Ultra Champsaur 2017 – Les fonds de Rouanne (28km – 1990D+)

Hier, je participais à la version courte de l’ UltraChampsaur, Les fonds de Rouanne, un Trail de 26km et 1800d+ sur le papier (27,8km et 1990d+ en réalité).

« Encore un Trail? Mais qu’est-ce qu’elle nous fait, elle a choppé le virus? Elle va se mettre à courir avec des bâtons et nous parler de dénivelé plutôt que de distance, de monotraces plutôt que de piste, et s’inscrire à des trucs étranges dans des endroits improbables? »

Oui, encore un trail. Et oui, aujourd’hui je vais parler de D+ et de montagnes, mais promis, je suis loin d’avoir dit mon dernier mot sur le bitume 😉 . Par contre, niveau courses étranges et défis improbables, ça ne fait que commencer!

En attendant, voici mon récit de ce Trail, ou comment j’ai fait la course la plus longue de ma vie, en ne parcourant qu’un peu moins de 28 kilomètres.

Prologue et tracé

En cherchant des courses « tranquilles et sans objectif » pour cet été, j’avais innocemment repéré ce Trail: 26km et 1800d+ . Ca me semblait costaud mais sympa pour continuer ma découverte de la discipline.

J’ai ensuite regardé le tracé d’un peu plus près et très vite changé d’avis. Au programme: 1100d+ sur les 7 premiers kilomètres, des descentes bien raides, le col du Piolit qui semblait faire trembler plus d’un coureur, bref, peut-être pas une si grande idée…

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Mais forcément, j’en avais déjà parlé, et comme je fréquente plus de gens aussi timbrés que moi que de frileux, tout le monde m’a dit de foncer. L’argument fatal est venu de Solène « Vas-y, si tu le fais pas tu vas maronner » . Encore quelques encouragements et un peu de psychologie inversée (« non mais t’as raison, le fais pas t’oseras pas de toute façon »), et jeudi soir me voilà inscrite.

Equipement

Au niveau de l’équipement, après être partie un peu « light » sur le Trail de Ribiers, j’ai investi dans un gilet Salomon S-lab, qui peut contenir deux flasques de 500mL, plus pas mal de bazar dans les poches sur le côté et derrière. Son avantage: on ne peut pas faire plus léger et pratique, et il est très confortable! J’ai quand même réussi à me faire une irritation sur la clavicule en le testant à l’entraînement, mais un pansement à l’endroit sensible, et le tour est joué.

Grande nouveauté aussi: j’ai du acheter et emmener une couverture de survie, obligatoire dans le règlement de l’épreuve (même si les organisateurs ne vont pas aller vérifier, chacun est grand et s’assume, mais j’ai préféré me plier aux règles, qui ne sont pas là pour rien).

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La course

Venons en au principal: la course.

Départ : Avec une dizaine de minutes de retard, le départ est lancé de la base de loisirs d’Orcières, à 8h40. Ca grimpe dès le départ sur un grand chemin, alors comme d’habitude je me faufile, mais au bout de quelques centaines de mètres on attaque le plat de résistance, avec un chemin qui monte dans la forêt.

Km1 à 4 : Ca grimpe, ça grimpe, et ça grimpe encore, dans la forêt d’abord, avant une très courte portion de descente sur route, puis ensuite sur un petit sentier. Au départ, je double pas mal, mais ensuite le chemin se réduit, impossible de se doubler, on est à la file indienne. Tout le monde alterne course et marche car certains passages sont déjà bien pentus, et ça ne sert à rien de forcer en courant pour s’épuiser au bout de quelques centaines de mètres. Ca ne fait que commencer et j’ai déjà du mal, mais je m’accroche au rythme de la personne devant moi, qui va parfois un peu trop vite grace à ses bâtons, parfois un peu doucement. On passe une première petite rivière, j’adore le bruit de l’eau, et la vue commence à être très belle.

Km5 et 6: la vue est belle, mais effrayante aussi: en relevant la tête je vois une file de petites fourmis qui se hissent vers le haut de la montagne, et je me dis que moi aussi, je dois grimper là haut. Sur ces kilomètres à plus de 200m de dénivelé positif, clairement impossible de courir pour moi (et pour les autres d’ailleurs), c’est de la rando active. J’adore ce que j’ai sous les yeux mais à ce moment là mes pensées sur le Trail ne sont pas super positives : « C’est magnifique, mais pourquoi je m’inflige ça? A ce rythme là, autant venir faire une randonnée tout simplement, c’est pas de la course là ». Ca tire sur les mollets, et je n’ai sûrement pas la bonne technique car je me fait passer devant par de nombreux coureurs, mais peu importe. J’entends derrière moi que Saïd Mansouri, le premier de la version 55km qui rejoint notre tracé (départ 6h30) arrive, je m’écarte pour le laisser passer, et je l’encourage. Ça me rebooste, quand je le vois grimper et trottiner  comme si c’était une seconde nature, je comprends qu’on est pas en train de faire une randonnée, mais que le Trail est bien une discipline à part du running, il faudra que je m’y fasse.

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Km7 : 280m de D+ sur un kilomètre, c’est beaucoup. Ca fait déjà plus d’une heure de course, alors je mange une Pompote. Je profite aussi de la fin de l’ascension pour un strip tease improvisé dans la montagne, en retirant mon haut à manches longues qui me convenait bien au départ mais avec lequel j’ai maintenant bien trop chaud. J’arrive enfin en haut du col de Rouanette, c’est parti pour la descente!

Km8 à 12 : Ca descend enfin, mais moi qui croyait rattraper la lenteur de la montée, je calme vite mes ardeurs: la descente n’est pas vraiment plus facile que la montée, le chemin est assez étroit et un peu escarpé, on est loin des grandes descentes de bitumes sur lesquelles c’est facile d’aller à 4’/km! Mais je me régale quand même, j’adore les descentes, la vue est superbe, et ça soulage quand même bien les mollets, qui prennent cher depuis plus d’une heure. On finit par traverser une rivière et remonter un peu, et on nous annonce un ravito avant la montée du Piolit. Un coureur me double et me dit « Je te connais, t’as pas fini première sur le Trail de Ribiers l’autre jour? ». Je commence à être connue jusque dans le 05, c’est mauvais signe :D.

Pause ravito, 5 minutes d’arrêt! Pour la première fois de ma vie, je m’arrête VRAIMENT au ravito, pour prendre le temps de manger, boire, et j’ai limite envie de rester là pour une partie de cartes avec les bénévoles, qui sont d’ailleurs parfaits avec leur bonne humeur et prêts à aider tout le monde en remplissant les gourdes. J’avoue que je ne réfléchis pas trop à ce dont mon corps à besoin pour tenir mais plutôt à ce dont j’ai envie: deux verres d’eau gazeuse, un morceau de banane, deux bouts de fromage et un certain nombre de tucs. Un tuc dans la bouche, ça va, mais 4 tucs en même temps, ça colle aux dents. C’est pas grave, je me rince la bouche avec une gorgée d’eau et je repars, sinon je vais rester là et faire la sieste.

Km13 à 16: En avant vers le Piolit, LA grosse difficulté de la course apparemment. Sur les deux premiers kilomètres ça va, on grimpe bien mais le chemin est agréable et permet de courir, la vue est superbe aussi. On passe un petit bout de crête, je lève la tête et je comprends ce qui m’attend: une ascension courte mais très, très pentue. J’ai mal aux jambes rien qu’en regardant le sommet, mais pas le choix j’avance. La difficulté n’est pas très longue mais vraiment intense, mes mollets m’insultent, mes quadriceps ne font pas trop la tête, et moi j’ai envie de pleurer tellement c’est dur.

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Km17: arrivée au sommet du Piolit, victoire! je prends le temps de faire une photo et de regarder autour. Et là j’ai encore envie de pleurer, mais d’émerveillement. Pour la vue actuelle, pour tout ce que j’ai vu depuis le départ 3 heures plus tôt, pour le simple fait d’être ici. Bon, c’est mignon mais on va pas rester là à chialer non plus, il faut redescendre et c’est aussi abrupte que la montée.

Je croise une randonneuse qui me dit « Courage, je sais pas si c’est un chat ou un lion mais il est là pour vous guider! » . Gnnn? Ah, ok, elle parle de mon tatouage. C’est un loup mais c’est pas grave madame, merci quand même.

Km18 et 19: la descente n’est pas facile mais c’est clairement un régal. Je commence à faire mes petits calculs au niveau du chrono, et je me rends compte que si je descends bien je peux boucler la course en moins de 4h. Et là, ce qui devait arriver arrive: je trébuche sur un rocher et tombe en avant. Les coureurs devant moi s’inquiètent de savoir si ça va mais je les rassure et leur dit de continuer, je ne vais pas leur faire perdre du temps juste parce que je suis incapable de mettre un pied devant l’autre correctement. J’ai la main droite en sang mais rien de plus qu’une égratignure, alors je me relève et je repars directement. Sur le kilomètre suivant je frôle la chute plusieurs fois, je me dis que je suis sûrement fatiguée alors je calme un peu le rythme et j’essaie de bien lever les pieds pour ne pas butter contre des rochers ou branches.

Km20 et 21:  On est en plein dans la forêt, sur un petit parcours monotrace, j’ai l’impression d’avoir 7 ans et d’être dans la jungle de Jumanji, c’est magique. Quelques coureurs m’ont laissée passer et je n’ai plus personne devant moi, j’ai un peu peur de m’être trompée parce qu’il n’y a plus de balisage, mais en même temps, c’est le seul chemin possible. La descente en forêt se termine et le dernier ravito est là. A seulement 5 kilomètres (théoriques) de l’arrivée je me dis qu’un verre d’eau suffira, mais quand je m’arrête je me sens soudain un peu faible, et la suite du parcours semble grimper, alors je prends le temps de m’arrêter une minute et de manger un bout de fromage et des fruits secs.

Km 22 à 24 : après une courte montée, le parcours fait place à un chemin de terre très large et en descente, alors j’en profite, j’accélère, je double plusieurs coureurs et je me surprends à courir à 4’30″/km alors qu’après 3h30 de course, je suis quand même un peu fatiguée. Une dame m’encourage « allez, bon courage pour ta dernière montée! ». Effectivement, on arrive sur une route en bitume et ça grimpe bien. Je me remets à marcher, je rattrappe les deux féminines qui étaient devant moi en haut du Piolit, et je discute un peu avec l’une d’entre elles et son mari qui l’accompagne. Je me remets ensuite à courir, après tout c’est du bitume,  pas pire que la Gineste, alors qu’est-ce que je fous à marcher? Je prends mes dernières forces pour grimper cette dernière côte, il y a maintenant beaucoup de supporters sur le bord de la route et leurs encouragements me boostent à fond. Certains m’appellent par mon prénom, et je réalise un peu plus tard qu’il n’y a pas de nom sur mon dossard, je ne sais pas qui c’était mais MERCI! En haut de la montée je vois Stéphane et sa femme, qui m’encouragent à fond et me donnent le coup de boost necessaire pour tout donner sur la descente.

Km25 à 28: Ca descend, c’est du bitume et j’envoie tout. On repasse sur du chemin mais je continue de tenir le rythme, et je passe le km26 en pile 4h. Elle est où l’arrivée? Pas là. On m’a encore arnaquée sur le kilométrage, une conspiration je crois, ça doit être fait exprès, le monde entier me veut du mal. Enfin c’est ce que je pense sur ces deux kilomètres bonus et interminables avant d’arriver dans le village. Un dernier effort, une dernière montée dans une rue du village, et je vois enfin l’arche! Je manque de tomber à 1 mètre de l’arrivée, mais je la passe en 4h08’43 » au chrono officiel, 15e féminine et 109eme au classement général.

Bref, j’ai participé à l’Ultrachampsaur.

Je terminerai juste en disant un grand bravo aux organisateurs pour ce superbe Trail, ses bénévoles en or, ses ravitos un peu trop tentants, son super repas de Finisher, et son parcours exceptionnel!

Et avec un copier coller de mon post Instagram d’hier, sur mes émotions à chaud:

J’ai failli pleurer deux fois :
Une fois tellement c’était dur
Une fois tellement c’était beau 💕⛰ .
J’ai perdu tous mes repères, tenté d’ignorer ma montre,
et ouvert grand les yeux, pour essayer de comprendre cet univers nouveau et fascinant.
J’ai tout à apprendre, tout à découvrir, l’impression que tout ce que j’ai acquis sur route ne me servait plus à rien là haut dans la montagne.
Enfin pas tout à fait, j’avais quand même avec moi mes meilleures armes : mon endurance, ma persévérance, et ma passion pour ce sport ❤️.

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7 réflexions sur “Compte rendu : Ultra Champsaur 2017 – Les fonds de Rouanne (28km – 1990D+)

  1. Konilop dit :

     » j’ai l’impression d’avoir 7 ans et d’être dans la jungle de Jumanji, c’est magique » voilà la phrase que je retiens, et qui résume pour moi l’esprit trail !
    Ou comment courrir plus longtemps qu’en course sur route, en prenant plus de plaisir 🙂

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  2. Etienne dit :

    Merci pour ce récit lu avec avidité à la veille de la course 2019.
    En effet, l’idée des 1800 D+ n’est pas si rassurante, même après avoir fait les 1600m de la Perce-Roche de Sisteron en mai.
    Ton témoignage m’aide bien à penser la course.
    Bon courage demain si tu remets ça,
    Etienne

    Aimé par 1 personne

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